La tontine : achat d'un bien immobilier en indivision

L'achat en tontine constitue une sorte de pacte sur succession future, modifiant les règles du jeu successoral, mais tout à fait légal. Deux personnes (ou plus) :

• achètent un bien, en commun et en indivision

• et stipulent qu'il reviendra au dernier survivant

En cas de prédécès du coacquéreur, le survivant (ou le dernier des survivants) est réputé propriétaire du bien tout entier, rétroactivement, au jour de l'achat.

Ce pacte "tontinier" est également qualifié de "tontine" ou de "clause d'accroissement".

Il est interdit à deux époux de se constituer des biens propres avec des biens communs ; un couple marié ne peut pas passer un tel pacte, si le prix d’achat est payé avec des fonds communs. Dans ce cas, la clause contreviendrait aux règles d’ordre public de la composition de la communauté légale de biens entre époux.

  • Avantages et inconvénients

La tontine ou clause d'accroissement permet d'acheter un bien immobilier en prévoyant qu'au décès de l'un des acquéreurs, sa part dans le bien acheté reviendra automatiquement au survivant, sans que les héritiers du défunt puissent prétendre avoir un droit sur elle.

Ce procédé présente des avantages et inconvénients.

L’intérêt est notamment la protection des concubins.

En effet, le concubin n’a aucune vocation successorale. Donc si aucune disposition particulière n’a été prise, le concubin survivant n’aura aucun droit sur le patrimoine du prédécédé.

Grâce à l’insertion d’une clause tontinière dans l’acte d’acquisition, l’appartement échappera civilement au droit des libéralités. Le pacte tontinier est considéré comme un acte à titre onéreux : il n’y aura donc ni problème de rapport, ni problème de réduction pour atteinte à la réserve 1 . Les héritiers du concubin prédécédé n’auront aucun droit sur cet appartement.

La tontine constitue par nature un contrat aléatoire. L’aléa ne doit donc pas disparaître sous peine de voir l’opération requalifiée en acte à titre gratuit sujet, le cas échéant, à rapport et à réduction.

Le prix doit donc être réellement payé par les parties, les participations de chacune ne doivent pas être disproportionnées, les différences d’âge entre les parties ne doivent pas être trop importantes, une des parties ne doit pas être atteinte d’une maladie dont l’issue ne peut être que fatale (TGI Villefranche-sur-Saône, 10 novembre 1989).

En cas de requalification en acte à titre gratuit, la clause ne serait valable que jusqu’à concurrence de la quotité disponible.

Mieux vaut donc s’adresser à un professionnel pour ce type de montage. La réserve est la part de la succession réservée aux héritiers réservataires. L’atteinte à la réserve peut se traduire par une libéralité excessive, la valeur totale ou partielle de cette dernière pourrait donc être réclamée à son bénéficiaire, jusqu’à concurrence du montant de la réserve héréditaire (d’où le rapport ou la réduction). La réserve n’est en fait que la succession elle-même diminuée de la quotité disponible

  • La quotité disponible

L’inconvénient majeur de ce montage tient au blocage qu’il engendre du vivant des coacquéreurs. En cas de désaccord sur l’opportunité de la vente de l’appartement, ils ne peuvent en exiger le partage comme peuvent le faire des personnes en indivision (Civ.1 ère , 27 mai 1986). Il suppose donc une entente parfaite entre les coacquéreurs.

Fiscalement, les biens recueillis au titre d’une clause de tontine insérée dans un contrat d’acquisition en commun sont assujettis aux droits de succession selon le régime de droit commun (art. 754 A al 1 du CGI), c’est-à-dire d’après le lien existant entre le défunt et le ou les bénéficiaires de la tontine et sur la valeur de la part transmise à chacun d’eux.

  • Remarque :

• Entre concubins, il existe un abattement de 1 500€, le taux est ensuite de 60%.

• Entre deux partenaires liés par un PACS, il existe un abattement de 57 000€. Le taux est ensuite de 40% pour la fraction n’excédant pas 15 000€, et 50% au-delà. Ce tarif spécifique est remis en cause si le pacte est rompu l’année de sa conclusion ou l’année suivante pour un motif autre que le mariage entre les partenaires ou le décès de l’un d’eux.

La réduction des droits de succession : si au jour du décès, le bien constitue la résidence principale du couple et qu'il vaut moins de 76 000 €, le concubin survivant ne supportera que les droits applicables en matière de vente d'immeuble (5,09%) sur la part reçue. Par contre, si le bien vaut plus de 76 000 € , il paiera les droits de succession (60%) sur la part recueillie.

  • Clause tontinière insérée dans les statuts d’une société

D’après la DB 7G-2121, l’article 754 A précité n’est pas applicable aux biens recueillis en vertu d’une clause de tontine qui ne serait pas insérée dans un contrat d’acquisition en commun.

Donc dans l’hypothèse d’une clause de tontine insérée dans les statuts d’une société, les droits de succession ne seront pas applicables.

Ainsi, deux concubins peuvent constituer une société et stipuler dans les statuts une clause d’accroissement par laquelle le survivant des associés deviendra propriétaire de la totalité des parts sociales au décès de l’autre. Le transfert des droits sociaux entraîne le paiement des droits de mutation à titre onéreux à 5,09% (et non les droits de succession à 60%).

ATTENTION :

Cette technique est à manier avec prudence en raison des risques d’abus de droit si la SCI n’a été constituée que dans un but uniquement